Case 17
L'Abeille et L'Athénée louisianais: du plaisir de la langue à sa défense

La presse francophone de la Nouvelle-Orléans au XIXème siècle se caractérise d'une part par une profusion de parutions nouvelles, d'autre part par la durée de vie extrêmement éphémère de ces dernières. On évalue à 139 le nombre de publications parues en langue française, dans leur intégralité ou partiellement, entre 1790 et 1910. Parmi les titres qui ont connu une certaine longévité: Le Moniteur de la Louisiane, premier journal publié en Louisiane en 1794, La Tribune de la Nouvelle-Orléans, journal anti-esclavagiste créé pendant la Guerre Civile en 1864, et Le Carillon, qui à partir de 1869 se présente comme un journal "peu politique, encore moins littéraire, et pas du tout sérieux", mais qui devient rapidement célèbre à la fois pour son irrévérence et son conservatisme exacerbé. Les "Français de France", arrivés en Louisiane remplis des conflits politiques qui les ont incités à quitter leur pays natal sont à l'origine de la plupart des journaux francophones de la Nouvelle-Orléans : la presse francophone de la Nouvelle-Orléans se nourrit ainsi de la verve souvent passionnée et de l'esprit batailleur de plusieurs générations de journalistes connus pour manier l'épée avec autant d'enthousiasme que la plume; l'histoire du journalisme francophone de la ville est ponctuée par d'illustres duels. Fondé en 1827, le journal L'Abeille de la Nouvelle-Orléans eût été centenaire s'il n'avait fermé ses portes en 1925. D'abord publié exclusivement en français, il se voit très vite obligé d'inclure une section en langue anglaise, abandonnée en 1872 en raison de la concurrence des journaux anglophones de la ville. De 1829 à 1830, L'Abeille se dote momentanément d'une section hispanophone, La Abeja. Initialement publié trois fois par semaine, le journal ne tarde pas à paraître quotidiennement. Outre ses rubriques consacrées aux nouvelles, non seulement locales, mais surtout européennes et françaises, L'Abeille, à l'instar d'un grand nombre de parutions amorcées au début des années 1840, offre un journalisme d'idées, principalement focalisé sur la vie littéraire et artistique de la ville. En effet, le lecteur y trouve de nombreuses informations sur les performances théâtrales et musicales de la Nouvelle-Orléans: c'est Louis Placide Canonge qui assure pendant plusieurs années les rubriques de la critique artistique. On peut également lire dans L'Abeille les poèmes composés par l'élite créole blanche, notamment ceux de Léona Queyrouze. Mais dans les années qui suivent la Guerre Civile, la presse francophone décline en même temps que s'amenuise progressivement l'importance de la langue française en Louisiane. En réaction à ce déclin, L'Athénée louisianais association qui voit le jour en 1875, réunit un groupe de Créoles éminents, parmi lesquels on compte les généraux Pierre Soulé et P.G.T. Beauregard. Dans sa charte officielle, L'Athénée louisianais se propose de défendre et d'encourager l'utilisation de la langue française en Louisiane. Le groupe publie un petit périodique intitulé Les Comptes-rendus de l'Athénée louisianais, dont la qualité et l'intelligence suscitent l'admiration de l'écrivain anglophone Lafcadio Hearn. Alfred Mercier, Charles Gayarré et Léona Queyrouze y contribuent régulièrement: l'essai d'Octave Huard, intitulé De l'utilité de la langue française aux États-Unis , est symptomatique de l'esprit de l'institution, à savoir la défense acharnée d'une langue et d'une culture qui apparaissent comme désuètes, comme appartenant à un passé révolu. C'est en ces termes qu'Alfred Mercier conclut un article publié par Les Comptes-rendus de l'Athénée louisianais en novembre 1880:

Mais de ce que nous nous appliquons à bien parler l'anglais, est-ce une raison d'oublier le français? Croire que c'est trop de deux langues, comme on l'a dit spirituellement, c'est penser de la même manière que ce fou, qui, trouvant qu'il avait trop de ses deux bras, s'en coupa un. début

Case 18
La presse de couleur libre: La liberté declinée en français

Avant la Guerre Civile, les gens de couleur libres, qui constituent une part importante de la population de la Nouvelle-Orléans, développent une tradition de protestation en réaction aux nombreuses injustices dont ils sont victimes. Les Créoles de couleur endossent les idéaux romantiques et les idées républicaines qui sous-tendent depuis longtemps des institutions telles que la société littéraire d'Armand Lanusse ou le mouvement religieux spiritualiste. Dans la décennie qui précède la guerre, Joseph Barthet, émigré français à la Nouvelle-Orléans, lance un journal, Le Spiritualiste, où sont retranscrites les communications établies entre les esprits des morts et les médiums de la ville. Très souvent, ces messages rapportés par les médiums, certains étant comme Constant Reynes des Créoles de couleur, se montrent très critiques à l'égard du clergé catholique et conservateur de la ville et encouragent la lecture de publications abolitionnistes. Peu après la défaite de la Nouvelle-Orléans devant l'armée de l'Union en avril 1862 paraît le premier numéro de L'Union, journal en langue française entièrement administré par des gens de couleur libres. L'Union et son rédacteur en chef, Paul Trevigne, adoptent la cause des républicains abolitionnistes et revendiquent la liberté et l'égalité pour le Sud noir. Dans le numéro de L'Union qui est ici exposé, les funérailles d'André Caillou sont décrites en détail. Caillou, célèbre Créole de couleur et héros de la Bataille de Port Hudson, était officier dans les "Native Guards", unité militaire composée exclusivement d'hommes de couleur libres. Un imposant cortège composé d'admirateurs et de représentants des nombreuses sociétés de bienfaisance et fraternités de Créoles de couleur de la Nouvelle-Orléans accompagne le corps de Caillou jusqu'au cimetière. Peu après la fermeture de L'Union en juillet 1864, Dr. Louis Charles Roudanez, Créole de couleur et médecin formé à Paris, lance La Tribune de la Nouvelle-Orléans, journal bilingue qui fut le premier quotidien jamais publié par des Noirs aux États-Unis. début

Case 19
L’Opéra à la Nouvelle-Orléans I

L'apogée et le déclin de l'opéra français à la Nouvelle-Orléans recouvrent tout le XIXème siècle : tandis que la première représentation répertoriée dans l'histoire de la ville date de 1796, l'Opéra français ferme ses portes en 1919 suite à un incendie tragique. Au début du siècle, les théâtres de la Nouvelle-Orléans font venir d'Europe des musiciens et chanteurs de talent et mettent en scène les plus beaux opéras alors produits aux États-Unis. En 1796, le théâtre de la rue Saint-Pierre accueille “Silvain” de Grétry, vraisemblablement le premier opéra représenté dans la ville. Au cours de la saison 1805-06, ce même théâtre propose vingt-trois représentations d'au moins seize opéras différents dans une ville qui compte alors seulement douze mille habitants. Devant un tel succès, d'autres compagnies affluent: c'est alors que naît la rivalité opposant John Davis, réfugié de Saint-Domingue originaire de France, qui dirige le Théâtre d'Orléans, à l'Américain James Caldwell, à la tête du Camp Street Theater. Cette concurrence illustre les tensions qui opposent les quartiers francophones aux quartiers anglophones de la ville. Chaque troupe se vante de ses succès et de la supériorité de ses artistes. En 1835, “Robert le Diable” de Giacomo Meyerbeer , favori du public, est d'abord représenté sur la scène de Caldwell puis au Théâtre d'Orléans, six semaines plus tard. Les critiques des journaux français et anglais se prêtent à d'invraisemblables joutes verbales pour défendre la supériorité manifeste d'une version sur l'autre. Entre 1827 et 1833, en-dehors des saisons d'opéra à la Nouvelle-Orléans, Davis part en tournée avec une troupe d'une cinquantaine d'artistes dans les grandes villes de la côte Est des États-Unis. “Le Pré Aux Clercs” de Ferdinand Hérold est joué à New York par la "compagnie française de la Nouvelle-Orléans". La Nouvelle-Orléans créole devient dans cette mesure exportatrice de culture française vers le reste des États-Unis. début

Case 20
L’Opéra à la Nouvelle-Orléans II

Le temps de quelques saisons, la Guerre Civile met temporairement un terme aux représentations d'opéra à la Nouvelle-Orléans. Mais le public ne tarde pas à découvrir la nouvelle scène du grand opéra. Conçu par James Gallier Jr., célèbre architecte de la Nouvelle-Orléans, et construit en 1859, l'Opéra français devient le lieu de prédilection de l'opéra pendant la seconde partie du XIXème siècle. Ce sont des compagnies italiennes et allemandes en tournée qui, juste après la guerre, sont les premières à jouer devant un public assoiffé de théâtre. C'est seulement au cours de la saison 1867-68 qu'une compagnie assemblée en Europe élit domicile à la Nouvelle-Orléans pour jouer à l'Opéra français. Diverses difficultés financières et administratives compromettent la compagnie et aboutissent à l'annulation de la saison 1872-73. En 1873 Louis Placide Canonge, journaliste et dramaturge de la Nouvelle-Orléans, prend en charge le destin de l'Opéra français et en dirige les troupes pendant deux ans, au terme desquels un groupe de musiciens mécontents le contraignent à démissionner. Après quatre ans d'absence, l'Opéra français ouvre à nouveau ses portes pour la saison 1878-79 et la première de “Carmen,” l'opéra de Bizet, à la Nouvelle-Orléans. L'Opéra français recouvre une certaine stabilité pendant les deux dernières décennies du siècle, notamment grâce à la direction de Frédéric Mauge. Les spectacles offerts au public à l'occasion de la visite de divas comme Adelina Patti en 1881 et 1885 et Sarah Bernhardt en 1892 constituent des temps forts de l'opéra pendant cette période. En 1892 Léona Queyrouze publie un poème dédié à Bernhardt intitulé "Le Sonnet Impromptu”. L'Opéra français de la Nouvelle-Orléans s'essouffle progressivement au début du XXème siècle. Après six années médiocres, le théâtre accueille à nouveau une troupe française en 1919, mais six semaines après le début de la saison, le 4 décembre 1919, l'Opéra français est entièrement détruit par un incendie. début

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